« Je me soucie peu de savoir, avec mes images, si je fais de l’art ou pas. Depuis toujours, ma joie intérieure, celle dont on ne peut me priver qu’en me mettant dans un cachot noir, c’est de regarder la lumière et de la photographier dès qu’elle éclaire un corps, une forme, un outil, un rien. C’est elle qui fait vibrer tout mon être jusqu’à me glisser une larme au coin de l’oeil et et me donne envie de dire merci.
Sans lumière rien n’existe et la liberté n’est plus. Avec elle tout est présent, simple et précis : elle donne richesse au balancement d’un volume, à sa surface, qu’il soit grain de peau ou de pierre ; c’est le cadeau merveilleux qui nous est offert pour engranger des sensations et des images, et par là nous connaître mieux nous-mêmes et les autres, chose que nous ne savons plus faire.
C’est pécher de ne pas le dire et le faire comprendre est un devoir : la photographie est là pour nous y aider. Je ne suis pas loin de penser que, si après un siècle et demi d’existence, la photographie connaît aujourd’hui ce développement foudroyant, évoluant bien au-delà des limites qui semblaient être les siennes, c’est sans doute pour nous aider à retrouver le chemin de la spiritualité à laquelle aspirent les jeunes et dont notre monde « idiot » s’est employé à nous écarter. C’est peut-être prétention, mais je crois que la photographie m’a aidé à ne pas trop m’écarter de ce chemin : elle m’a aidé à redécouvrir une feuille d’arbre, puis l’arbre lui-même, puis le paysage dont il est l’acteur, et l’homme qui vient parler avec cet arbre ou se reposer sous son ombre.
Le regard de cet homme m’a fait entendre qu’il avait beaucoup de choses à m’apprendre, sur lui, sur sa vie, ses problèmes qui sont les miens. Il m’a fait comprendre, profitant lui-même des leçons reçues de la tradition ancestrale, depuis la plus haute antiquité en passant par le Moyen àge, que son expérience pourrait m’être utile ; il a attiré mon attention sur ce rapport des surfaces et des proportions, relevant de la nature ou des sciences exactes et régi par un mécanisme simple qui est le véhicule même de la communication de tous les temps. Il est convenu de l’appeler « nombre d’or ».
Enfin, cet homme m’a fait comprendre que ce même rapport doit aussi exister spontanément dans toute oeuvre, artistique ou pas, pour que l’homme puisse la percevoir ; dans le cas contraire, l’homme la rejette comme il rejette physiologiquement un parfum amer, un fruit sûr, un bruit dur ou le toucher d’une chair sans âme. J’appelle cela : « Physiologie de l’image ».
Langue : Français
Éditeur : Le Temps qu’il fait
Date de Publication : Juillet 2001
Type Reliure : Broché
Pages : 155 - 140 photographies
ISBN 10 : 2868533272
ISBN 13 : 978-2868533272