Le Bordeaux des années quatre-vingt que donne à voir le remarquable travail photographique de François Ducasse n’est déjà plus. Il en restitue la mémoire vive, celle des quartiers et des bars-caves, des chantiers et du port, des rues et des stades ; celles des gens d’abord, de la rue Sainte-Catherine au Pavé des Chartrons, de Musard à Bacalan.
Car tel est le talent de François Ducasse, de nous rendre la mémoire de ce qui fut notre quotidien, si vivant, si contrasté, si drôle et émouvant parfois, et qui est déjà de l’Histoire en fait une histoire partagée. Partage dans tous les sens paradoxaux et contradictoires du terme.
Ce sont nos frères humains qui sont là présents, sauvés de l’oubli, et qui redonnent corps à notre mémoire de la ville, celle oû nous avons vécu. Instants donnés, instants sauvés.
A tout jamais écrit Michel Suffran dans sa belle préface. De ce point de vue, Bordeaux, mémoire partagée est un livre généreux. Il y a pour la ville et les êtres qui la peuplent, qui traversent le champ de l’objectif de ce passant non ordinaire qu’est François Ducasse, beaucoup de tendresse. L’oeil est acéré, il voit l’invisible et le ramène à la surface, mais n’est jamais juge ou procureur.
On y reconnaît, à travers des fragments de décor qu’on localise parfois, la matière vivante de ce qui fut, de ce que nous fûmes, et dont on voit bien aujourd’hui le sens. De ce point de vue, les textes de Jean-François Mézergues en sont le complément idéal, restituant, à leur manière, le contexte de ces images volées, les ouvrant aussi vers d’autres horizons. Car c’est l’autre miracle de ces photos que d’être, très subtilement, gorgées de sens.
Car le partage est aussi séparation, fracture parfois. De manière très fine, sans démonstration autre que celle induite par la mise en perspective, François Ducasse montre de cette société que nous avons traversée, si bien connue, les lignes de partage, les lignes de fuite. Le promeneur attentif a vagabondé dans tous les quartiers de la ville, a connu tous les milieux, est entré dans les hôtels particuliers et les plus humbles demeures, les ateliers et les bars, a arpenté les rues et les places...
De tous ces lieux, il exprime l’âme : ces insignifiants miraculeux dont parle Michel Suffran... tellement signifiants ! Le photographe n’est pas dans la démonstration. Et pourtant... il n’y a peut-être pas d’image plus vraie qui n’ait été jusqu’alors publiée sur ce Bordeaux des années Chaban que ce livre-là.
Langue : Français
Éditeur : Entre-deux-Mers
Date de Publication : Novembre 2007
Type Reliure : Relié
Pages : 118
ISBN 10 : 2913568572
ISBN 13 : 978-2913568570